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Cartographie

Cartes interactives


A partir d’outils de cartographies, nous avons obtenu une visualisation des noms géographiques cités dans les romans, ce qui permet de se faire une idée des zones du monde qui faisaient partie de l’univers des enfants français sous la troisième République. Deux titres, Petite-Pierre ou le bon cultivateur, Maurice ou le travail, sont antérieurs à la troisième République mais sont encore présents dans les listes de manuels de la troisième République.

Répartition géographique des lieux cités dans le corpus


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Carte de chaleur reprenant tous les lieux cités dans l’ensemble du corpus de romans scolaires

Carte

Il s’agit ici d’un univers de références : lieux cités et lieux visités par les personnages. A l’échelle du globe terrestre, on remarque d’emblée la prédominance d’une vision nationale pour ne pas dire nationaliste. L’hexagone apparaît en rouge vermillon, saturant la carte. Cela n’a rien d’étonnant si on se réfère aux principes pédagogiques défendus par Ferdinand Buisson qui préconisent de commencer par l’univers familier de l’enfant pour élargir ensuite ses connaissances. Ensuite ce sont les colonies qui sont les plus citées, en particulier le Maghreb. On peut comparer cette carte de chaleur à celle de l’Empire français : https://1886.u-bordeaux-montaigne.fr/items/show/10132 Les correspondances sont évidentes entre la carte des lieux cités dans les romans scolaires et celle de l’Empire colonial. Les pays les plus cités qui ne font pas partie de cet Empire sont les Etats-Unis et le Canada, les pays européens, le Japon et le Moyen Orient. Le reste est très sporadique. La vision du monde que l’on veut donner aux écoliers français est donc centrée sur la France et ses colonies.
Si l’on zoome dans la carte, on remarque qu’en Europe les références les plus importantes sont les pays frontaliers : l’Italie, l’Allemagne, la Belgique en particulier. L’Europe orientale est largement ignorée. Les références géographiques sont largement liées à la France et à ses intérêts.

Superposition des deux cartes

Carte

Carte de chaleur de la France divisée par régions

Cette carte met en évidence la prédominance de certaines régions françaises dans ces romans scolaires. Les régions (selon la nomenclature actuelle) les plus citées sont la région Auvergne- Rhône-Alpes et l’Ile-de-France, ce qui correspond probablement à un développement économique plus important.
A l’autre bout du spectre, la Bourgogne- Franche-Comté semble être ignorée ainsi que la Corse.

Carte de chaleur de la France divisée par départements

Si l’on affine encore les statistiques géographiques, on obtient une carte de France découpée en départements. Ce niveau administratif est loin d’être neutre sous la troisième République car fortement lié à une vision républicaine de la France issue de la Révolution française. A cette échelle, les disparités sont différentes. Des contrastes très importants entre départements expliquent la coloration moyenne de certaines régions. Presque noirs, on trouve le Nord et Paris, suivis du Rhône, de la Haute-Garonne, l’Aisne, la Marne, la Gironde, les Bouches du Rhône et l’Ille-et-Vilaine. Il apparaît assez rapidement que dans cette France encore très rurale, les départements les plus cités sont ceux où se trouvent les grandes villes. C’est une France moderne, celle de l’attraction exercée par les villes qui apparaît dans ces manuels. On remarque également que l’Alsace et la Moselle sont assez fréquemment citées alors qu’elles n’appartiennent plus au territoire national. On sait que le Tour de France par deux enfants part de Phalsbourg, le rappel des territoires perdus est fréquent dans les ouvrages écrits après la douloureuse défaite de 1870, avec une prédilection pour la Moselle. On remarque à l’opposé une large zone très claire, celle de la France la moins présente dans les manuels : le centre - Sud-Ouest pour schématiser. Dans cette large zone, seul le Puy-de-Dôme est fréquemment cité dans les romans scolaires du début de la troisième République, en raison de l’importance de son industrie.
Cette zone correspond à peu de choses près à la « diagonale du vide » définie par les géographes et qui correspond à la zone de faible densité d’habitants de la France actuelle. L’exode rural se dessine donc déjà sur la carte tirée des romans scolaires de la troisième République.


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les romans scolaires ne donnent pas une image rurale et traditionnelle de la France : les grandes villes, les zones industrielles dominent ces cartes de chaleur. Il convient de nuancer quelque peu car ces cartes sont générées à partir de la fréquence des entités nommées, principalement des noms de ville. Les noms communs comme la « campagne », le « village », le « labour » cités de façon générique dans beaucoup de livres pour enfants ne sont pas comptabilisés. Le paysage agricole, s’il est bien présent, ne comporte pas de nom propre ou très peu. Si l’on tente une analyse politique, l’école de Jules Ferry semble cependant valoriser les grandes villes qui sont les plus républicaines à l’époque. On peut rattacher cette carte aux difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre d’un enseignement agricole pendant la troisième République. Les instituteurs souhaitent se détacher de ce monde de paysans dont ils étaient souvent issus, les hommes politiques étaient pour la plupart des urbains et les auteurs de manuels vivaient pour la plupart dans des grandes villes. Les programmes prévoient des cours de chimie ou de sciences naturelles appliquées à l’agriculture mais les romans scolaires révèlent la fascination des auteurs eux-mêmes pour la grande ville.

Si l’on tente une analyse politique, l’école de Jules Ferry semble cependant valoriser les grandes villes qui sont les plus républicaines à l’époque. On peut rattacher cette carte aux difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre d’un enseignement agricole pendant la troisième République. Les instituteurs souhaitent se détacher de ce monde de paysans dont ils étaient souvent issus, les hommes politiques étaient pour la plupart des urbains et les auteurs de manuels vivaient pour la plupart dans des grandes villes. Les programmes prévoient des cours de chimie ou de sciences naturelles appliquées à l’agriculture mais les romans scolaires révèlent la fascination des auteurs eux-mêmes pour la grande ville.

Cartes des parcours de France


Deux cartes des tours de France ont été réalisées à partir des lieux cités dans les sommaires des ouvrages, ce qui permet de beaucoup mieux visualiser les parcours des protagonistes et d’exclure les seules références. Seuls Jean Lavenir, Jean Felbert, Le tour de France par deux enfants et La France en zigzag ont été utilisés car les autres ne contenaient pas de sommaire ou des sommaires sans lieux.


Sur cette visualisation des parcours des enfants dans les romans scolaires, on reconnaît immédiatement la France. Cela illustre bien la thèse défendue par Cabanel dans le Tour de la Nation par des enfants i: Le sentiment national naît du « tour du propriétaire », du tour du territoire, tout autant que de son histoire et de la mémoire de ses héros. Les zones peu citées sont traversées, les arrêts se font surtout dans les villes mais la France est parcourue dans ses grandes largeurs et dans ses longueurs. Il semble y avoir même une volonté d’aller jusque dans ses extrémités pour en tracer les limites.
Placées sur un fond de carte, ces étapes vont effectivement jusqu’aux frontières du pays :

Carte parcours France

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Carte parcours France 2

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Le parcours de Jean Felbert, en jaune, donne une nouvelle vision du territoire en y ajoutant la Tunisie et l’Algérie, du moins leur littoral.

L’application de ces quelques outils d’IA à un corpus de romans scolaires souligne l’importance de la France comme nation dans l’enseignement républicain. D’une part, l’enseignement primaire insiste sur l’environnement de l’enfant : la France, ses colonies, les pays frontaliers. Le programme de l’enseignement primaire ne permet pas d’aller au-delà. D’autre part, l’éducation nationale cherche à former des citoyens en leur transmettant l’amour du pays, défini par ses frontières. Les « petites patries »i traversées sont à chérir comme la grande : la connaissance du territoire permet de rendre la grande patrie moins abstraite comme l’explique Augustine Fouillée dans la préface du Tour de la France par deux enfants : « Pour frapper l’esprit, il faut lui rendre la patrie visible et vivante ». Reste que toutes les petites patries ne sont pas visitées, la périphérie qui marque la limite du territoire est plutôt mieux représentée que le centre, les zones d’ombre vont devenir de plus en plus invisibles. L’attraction de la grande ville est déjà à l’œuvre malgré la réputation de passéisme et de ruralité de l’enseignement de la troisième République.